Histoire du Carignan - du cépage de masse à la renaissance des vieilles vignes

Origines : un cépage espagnol aux multiples noms

Les spécialistes situent l’origine du Carignan dans le nord‑est de l’Espagne, en Aragon, autour de la zone de Cariñena. Sa diffusion dans le monde méditerranéen explique ses nombreux synonymes : on le rencontre notamment sous les noms Mazuelo (Rioja), Samsó (Catalogne), Carinyena/Cariñena, ou Carignano (Italie, Sardaigne).

Ce foisonnement de noms a parfois créé de la confusion, mais il raconte surtout une réalité : le Carignan a été un cépage voyageur, parfaitement adapté aux climats chauds et secs du pourtour méditerranéen.

Le XXe siècle : le Carignan, moteur du “wine lake” en Languedoc‑Roussillon

Au cours du XXe siècle, le Carignan s’impose massivement dans le sud de la France, en particulier en Languedoc‑Roussillon, grâce à une qualité décisive pour l’époque : sa capacité à produire de très gros rendements. Dans l’imaginaire collectif, il devient l’un des cépages associés au “wine lake” européen (surproduction), et à des rouges destinés à l’assemblage ou au vin de consommation courante.

Un repère souvent cité illustre cette domination : à la fin des années 1980, la France compte le Carignan parmi ses cépages les plus plantés, avec un pic d’environ 167 000 hectares en 1988 selon des synthèses ampelographiques. Mais cette “grande époque” a un revers : quand la vigne produit trop, le vin peut perdre en concentration, et la réputation du cépage s’abîme.

Le tournant : arrachages, replantations et quête de qualité

À partir de la fin des années 1980 et dans les décennies suivantes, l’Union européenne met en place des programmes visant à réduire la surproduction et à encourager des plantations jugées plus “qualitatives”. Des schémas d’arrachage (vine‑pull / grubbing‑up) contribuent fortement à la baisse des surfaces de Carignan en France.

Ce mouvement a parfois été vécu comme une perte patrimoniale : de nombreuses vieilles parcelles, adaptées à des coteaux pauvres, ont disparu. Pourtant, c’est aussi dans ce contexte que la renaissance a pu s’écrire : ce qui reste (vieilles vignes, terroirs durs, rendements faibles) devient précisément le socle des grands Carignans modernes.

La renaissance : vieilles vignes, terroirs exigeants et nouvelles vinifications

Depuis les années 2000–2010, le Carignan connaît un retour d’intérêt net : des producteurs et dégustateurs redécouvrent que, sur vieilles vignes et sols pauvres (schistes, calcaires, galets), il peut offrir des vins intenses, frais et taillés pour la table. Des médias spécialisés évoquent ce changement de fortune et la montée en gamme des meilleurs Carignans.

Les styles se diversifient : extraction plus douce, recherche de fruit, parfois grappes entières ou macérations orientées “infusion”. Résultat : des tanins plus fins, une buvabilité plus évidente, sans perdre la signature du cépage (acidité, structure, épices). Pour apprendre à le reconnaître au verre : Guide de dégustation.

Carignan Renaissance : structurer le mouvement

Dans ce contexte, des acteurs ont voulu donner un cadre au renouveau. L’association Carignan Renaissance naît sous le nom Conservatoire du Carignan en 2013, à l’initiative de l’œnologue‑communicant Sebastian Nickel, accompagné notamment de journalistes et d’un œnologue (Michel Smith, André Dominé, Benoit Roger). L’objectif : transmettre, faire déguster, comparer, et redonner au Carignan une image fidèle à son potentiel.

À l’échelle internationale, une date repère aide aussi à fédérer les amateurs : l’International Carignan Day, célébré le dernier jeudi d’octobre. Retrouvez l’esprit de ces rendez‑vous sur notre page Événements.

Repères chronologiques : 6 dates pour retenir l’essentiel

  1. Origines : ancrage en Aragon (Espagne) et diffusion méditerranéenne.
  2. XXe siècle : expansion massive dans le sud de la France (logique de volume).
  3. 1988 : pic de plantations en France (ordre de grandeur souvent cité : 167 000 ha).
  4. Fin 1980s–années 2000 : politiques de réduction de surproduction et baisse des surfaces.
  5. 2013 : création du Conservatoire du Carignan (devenu Carignan Renaissance).
  6. Aujourd’hui : montée en gamme et reconnaissance accrue des cuvées de vieilles vignes.

Comment repérer un “bon Carignan” grâce à son histoire

L’histoire explique le présent : si vous cherchez un Carignan moderne et qualitatif, privilégiez les signaux liés à la renaissance (et non à l’époque “volume”).

  • Vieilles vignes, coteaux, rendements faibles
  • Terroirs pauvres (schistes/calcaires/galets) et climat ventilé
  • Vinification qui vise la finesse (extraction douce, élevage discret)

Pour aller plus loin : Carignan (profil du cépage) • Terroirs • Nos membres.

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